mercredi 16 juin 2010

Mon combat pour mon allaitement (ou comment un geste naturel devient si laborieux...)

Bonjour à toutes...
Maman d'un BABI (ou pas, on sait plus trop) qui a 7 mois, je voulais apporter mon témoignage pour aider les mamans qui seront dans mon cas...

D'aussi loin que je m'en rappelle je voulais allaiter. parce que c'était naturel et voila tout. Donc quand je suis tombée enceinte cette évidence n'a pas été discutée, j'allaiterais. Point.

Comme je suis curieuse j'ai cherché comment se déroulait la grossesse et de fil en aiguille je suis tombée sur un forum sur l'allaitement où j'ai découvert que l'allaitement, même s'il était naturel, était loin d'être "facile" et "évident" pour certaines d'entre nous... J'ai donc passé plusieurs mois à écumer les sites, à fouiller partout et quand je suis partie à la mater, j'étais aux taquets, je savais que je ne devais faire quasi aucune confiance à la mater, j'avais mon livre de la LLL, mes num de téléphone de conseillères en lactation... bref j'étais parée, mon allaitement il allait bien démarrer.

Sauf que. J'avais beau avoir eu un entrainement intensif, digne de Rocky, bah j'ai quand même failli me faire avoir. parce que j'avais pas imaginé tomber sur un bébé qui refusait tout net le sein. Né à 20h52, refus de la tétée à l'accouchement, bon, ca je savais que ca pouvait arriver (ca m'a juste chagriné, moi qui me faisait tout un film de la tétée d'accueil, j'ai été sur ma faim). A 3h du mat j'essaye, réessaye... Monsieur se cabre, hurle et refuse le sein... J'avais eu des cours sur les positions, j'essaye mais bon, un nouveau né, une nouvelle maman, ca forme un duo assez maladroit donc je me résouds à aller voir les infirmière en nurserie qui me sortent les grands moyens

'oh mais faut lui donner un biberon" - euh vous avez pas compris, je VEUX allaiter, je veux pas foirer mon allaitement
'rooo bah juste qq gouttes sur les lèvres ca va l'attirer et il va se mettre à téter" - je ne VEUX pas de LA (zen, je suis zen)
'regardez faut faire comme ca" (placage de la tete de l'héritier sur mon sein)

Une infirmière un poil plus patiente tente laborieusement de mettre mon fils au sein, et à la position 'ballon de rugby' mon coquin de fils (déjà un peu faignant) daigne téter un chouilla... par contre le sein gauche, il en veut pas, basta
Lendemain matin, peau à peau, tétouillage sans grande conviction sur le sein droit, rien au sein gauche... la journée passe, on tente le gauche, qu'il accepte sans grand enthousiasme... mon allaitement si revé ne correspond pas vraiment à mon rêve...
La 2e nuit, appelée "nuit de la java", a lieu le drame. Mon fils refuse le sein. Il hurle, je le mets au sein, il refuse, je suis désemparée. C'est pas sensé se dérouler ainsi!!! Dans mes rêves j'ai un bébé adorable qui tète gaiement... au lieu de ca je suis seule dans ma chambre à 3h du matin avec un hurleur hors compétition. Et puis c'est la nuit, il va réveiller toute la maternité... Seul mon bébé pleure, qu'est ce que je fais de mal... je pleure, j'appelle encore une fois les infirmières, qui viennent...
Je me demande ce qu'elles pensent de moi "rooo encore elle, elle est chiante la maman de la 4... toujours à nous appeler, elle est neuneu, les autres y arrivent... elle ferait mieux de donner un biberon, on pourrait être tranquilles"... elles viennent, et me disent, le ton sec "votre fils là, il a faim, il a rien dans le ventre, c'est des pleurs de faim ca...". Moi je ne demande pas mieux, de le nourrir, c'est lui qui veut pas.
Et arrive le discours culpabilisateur. J'ai pas la montée de lait qui s'est faite et mon fils, qui est un gros gabarit, a de gros besoins (???). il faut qu'il mange, ne serait-ce que pour prendre des forces pour téter.
Moi je suis perdue mais je sais que je ne dois pas donner de compléments. A la LLL ils l'ont bien dit. Mais je suis crevée, mon fils hurle à plein poumons, je sais pas quoi faire... une infirmière me sort l'argument fatal "vous savez, je sais de quoi je parle hein, mon fils a tété 11 mois, je connais le sujet". Vrai ou pas, je craque, et je lui donne, en pleurant, 60 ml de LA. A la seringue, et il s'endort comme un bienheureux. et moi je pleure de regrets, j'ai donné du LA...

Le séjour à la mater s'est déroulé ainsi, montée de lait à J3 mais incapable de mettre mon fils seule au sein, j'angoisse un peu pour le retour à la maison (moi qui voulait une sortie précoce, condamnée à rester à la mater JUSTE pour l'allaitement). Bien sur on me prend pour une neuneu (moi qui pensait avoir montré que j'en étais pas une pour mon accouchement), on me fait peur avec la prise de poids, il faut des compléments, blablabla... enfin vous connaissez la musique.

Quelques AP bien intentionnées me plaquent la tete de mon fils sur mon sein, bienvenue sur la planète Terre mon chaton, tu verras soris de la mater ca ira mieux... les crevasses ne tardent pas, je me fais engueuler car il ne prend pas beaucoup de poids...
Enfin j'obtiens l'autorisation de sortie, il a repris du poids, je me dis que ca va pas être triste à la maison, sans sonnette et sans personne pour m'aider...

Contre toute attente ca se passe bien, je fais controler son poids, il a bien repris... c'est parti mon kiki rien ne nous arretera vers le sevrage naturel (oui je me fixe des objectifs modestes)

Douche froide à la visite des 1 mois... j'arrive comme une fleur, je sors en pleurs : mon fils a son poids inférieur à celui de la naissance... je redemande de le peser, oui oui, inférieur... ce que je n'avais pas fait gaffe c'est que c'était pas la même balance...on me parle hospitalisation pour gavage, je refuse en bloc, je me fais accessoirement traiter d'inconsciente etc...
Je prends en urgence RV avec un spécialiste de l'allaitement, qui me prend dans la semaine... Verdict : mon petit coeur ne sait pas téter... il tétouille et c'est un grand faignant, il ne prend que le minimum pour survivre, pas assez pour grandir et grossir...
Le pédiatre m'explique que le chemin sera long, compliqué et semé d'embûches, mais je me suis battue pour le déclenchement post terme, alors j'ai encore assez de courage pour me battre pour mon notre allaitement
Il m'apprend la compression du sein, les positions, 15 tétées par jour (voir plus) et surtout, il est la bouée de sauvetage sur laquelle je peux m'appuyer si j'ai besoin. Il est là, loin de chez moi, mais jamais il ne me jugera, je le sais... je lui voue une admiration sans borgne, et avec son aide on part sur la route du sevrage naturel, avec quelques détours.

Visite de controle 15j après, victoire il a pris du poids. oh, pas beaucoup, quelques grammes, à peine deux cents. mais il en a pris. Mais j'ai mal. horriblement mal. je n'en peux plus. je serre les dents et je vomis de douleur à chaque tétée. je suis pas douillette, j'ai été déclenchée, 36h de contractions par les reins sans péri, je suis dure au mal mais là, je peux plus. j'ai trop trop mal, c'est pas normal...
nouvelle consultation en urgence, et prescription de bouts de sein pour diminuer un peu cette douleur... et là, un diagnostic : vasospasme. aucun traitement n'y répondra (j'ai toujours mal 7 mois après...)

En dehors des douleurs, les nouvelles sont encourageantes. Mon fils prend du poids. certes il est tjs en bas de la courbe, mais bon, ca va en progression, et surtout il est tellement vif, éveillé, souriant, tonique, que le médecin, il n'est franchement pas inquiet.

Arrivés à 5 mois, deuxième douche froide (mais celle ci, je l'avais prévue) : il a perdu du poids, beaucoup, et en a repris, un peu. mais il y a 200g en moins de différence avec le RV du 4e mois... on ne sait pas pourquoi. Mon fils est un mystère à lui tout seul...
Mon souhait de diversification tardive sera un peu oublié dans tout ca, et je lui donne son premier petit pot à contre coeur, mais que ne ferais-je pour qu'il grossisse un peu... mais ce sentiment de ne plus être la seule qui le fait vivre c'est terrible...

RV des 6 mois, il fait péter la balance : + 1,3 kg dans le mois... moi et le médecin, on est un peu sur le c*l. je savais qu'il avait grossi mais à ce point là!!! faut dire que suite au RV du 5e mois j'ai fait une éviction des PLV, viré les bouts de sein (et donc la diversification...). nous sommes euphoriques... Mon coeur grossit, et remonte lentement sur les courbes... je suis folle de joie... j'ai toujours mal aux seins en revanche mais on s'habitue et soyons honnêtes la douleur s'est quand même atténue... le diagnostic de vasospasme semble erroné, mais du coup on ne sait pas pourquoi j'ai si mal et pendant si longtemps.

aujourd'hui mon fils a feté ses 7 mois... Allaité et pour TRES longtemps encore. Il est la joie de vivre incarné. Et moi, je suis si heureuse de continuer à l'allaiter malgré tout ce que nous avons traversé... et qui sait si nous allons encore connaitre d'autres déboires??? j'espère pas, j'ai assez donné...


Le papa m'a été d'une aide précieuse. bien sur il a douté, je ne peux pas lui en tenir rigueur, j'ai moi même douté... on a beau savoir que le lait est forcément nourrissant, quand la chair de sa chair perd du poids alors qu'il est au sein toute la journée, on ne peut que douter... mais il m'a toujours soutenue, et quand je l'entends dire "on allaite" je suis si fière de lui et qu'il soit à mes côtés... car si je donne le sein, oui, ON allaite main dans la main. j'aime son regard attendri quand nous sommes tous les trois sur le canapé, notre fils au sein. j'aime nos dimanches matins en cododo, ses mains qui jouent avec les notres, c'est tellement beau tout ca...

Le pédiatre aussi. j'ai eu l'immense chance d'avoir un spécialiste renommé près de chez moi (enfin à 40 min quoi)... sans lui, oui, c'était mort, j'aurai pas eu la force de tenir tete tant de temps au corps médical... Merci à lui...

Merci à mes parents qui m'ont soutenue, parfois incité à arrêter quand ils m'entendaient pleurer au téléphone d'épuisement après encore une fois avoir appris que mon fils perdait du poids, mais ils voulaient le meilleur pour nous... Ma mère, une fois qu'elle a compris que jamais je ne donnerais de LA et que ma décision était irrévocable m'a toujours écoutée pleurer et me plaindre

et enfin carton rouge à ma belle famille, vous savez, celle élevée au bib et au bon lait en poudre... qui fait des bébés potelés, souriants, qui font leur nuit à 1 mois et qui dorment bien sagement dans LEUR chambre dans LEUR lit. Bah oui, le mien, de fils, il hurlait du matin au soir et du soir au matin, cramponné à moi, dans un truc d'arabe une écharpe, et puis en plus il dormait avec nous... et on avait pas de poussette... ca en fera un enfant capricieux... et laisse le pleurer ca lui fait les poumons, il faut qu'il apprenne qu'il commande pas
carton rouge pour m'avoir harcelée sur le poids de mon fils, l'avoir pesé pour bien m'humilier, pour m'avoir dit tout ce qu'on dit dans ces cas là (lait pas nourrissant, pas assez de lait etc). carton rouge pour continuer de me demander quand j'arreterais alors que je leur ai dit que seul Meven connaissait la réponse.
Carton rouge pour pas respecter nos idéaux, nos valeurs, notre façon de l'éduquer (c'est pas comme ca qu'on élève un enfant).
carton rouge pour avoir sans arrêt peur de ce qu'ils vont encore me sortir et de devoir sans arret me justifier : non on a pas de poussette, non il a pas de biberon, non on ne le laisse pas pleurer, oui il a des couches lavables oui il est porté, autant qu'il a besoin (et hélas il ne réclame plus d'être porté et moi ca me manque)

bref ce témoignage est certainement très long mais j'avais besoin de vider mon sac et de montrer aux mamans qu'on pouvait y arriver même si le chemin est pas tout droit, il est un peu sinueux, mais il vaut quand même le coup d'être emprunté...
j'aurai aimé lire un message comme ca quand je doutais tant, alors je le laisse ici dans l'espoir qu'une maman un peu deséspérée le lise et que ca lui permette de remettre le pied à l'étrier

merci de m'avoir lue

7 commentaires:

Nathalie a dit…

Très beau témoignage, j'ai les larmes aux yeux. Bravo d'avoir persévéré car les gens, paradoxalement aussi les personnes du domaine médical, nous font douter, culpabiliser. Belle route à vous :)

Fofie a dit…

Mon histoire ressemble à la tienne avec les variables suivantes : le papa paniquait et ma maman n'arrêtait pas de dire que je n'y arriverais pas pcq elle, elle n'y était pas arrivée. D'un autre côté, j'ai accouché avec une sage-femme qui, la seule, avait confiance que je pouvais y arriver. Sauf que j'ai été retournée chez moi 24 heures après l'accouchement (c'est comme ça quand on accouche en maison des naissances au Québec) avant que mon bébé n'ait vraiment tété avec un papa paniqué et une grand-maman qui n'a demandé l'avis à personne avant d'aller acheter du lait maternisé. À une contre deux, je n'ai pas pu remporter la première bataille, mon bébé a commencé au lait maternisé. Mais je n'avais pas dit mon dernier mot et grâce à mon entêtement et ma sage-femme, j'ai pu balancer le lait maternisé aux poubelles après qq jours et j'ai allaité exclusivement pendant les 6 mois qui ont suivi et je n'ai sevré mon bébé qu'après ses deux ans.

Alors à toutes celles qui sont découragées ET qui tiennent mordicus à allaiter, dites-vous que la lumière finie par apparaître au bout du tunnel (même si ça peut prendre un mois ou deux - faut bien l'admettre...).

petits et grands a dit…

Bravo et félicitations pour ce parcours réussi ! Les larmes aux yeux tout simplement. Ma fille est allaitée depuis 6 mois, je n'ai jamais eu de souci, elle a toujours été dans le haut des courbes. Je comprends ta joie de voir ton fiston téter !

FiFi a dit…

merci pour ce témoignage! je m'y retrouve beaucoup...aujourd'hui Rachel a 3mois et 3 semaines, elle est gaie, curieuse, souriante...épuisante, fatigante, elle est allaitée mais fait un RGO...cododotte et ça c'est chouette!

Paul et sa maman a dit…

Je viens de lire...je ne peux m'empêcher de commenter. J'ai 5 enfants, je l'ai tous allaiter jusqu'au sevrage naturel, 18 mois pour les 2 garçons et 2 ans pour les 2 filles, le petit 5° a 6 mois.
Ton témoignage est boulversant. Même moi qui était si determinée, je ne l'étais pas autant que toi. Mon premier a eu du mal à prendre le sein mais au bout de 3 jours et des SF super à la mat il a "enfin" compris comment il fallait faire.
Bravo à toi et que dire du papa, c'est tellement rare autant de soutien et de compréhension.
Honnêtement après autant d'épreuve je ne sais pas si j'aurais tenue.

Petites affaires à faire a dit…

Bonjour,

J'""adore"" votre témoignage et je me reconnais dans pas mal de points, notamment pour avoir tenu bon pour l'allaitement, la douleur et le personnel de la mater. Je n'ai pas vécu tout ça mais à moindre échelle, je me suis battue aussi, et je suis fière d'avoir persévérer et réussi.
Comme vous, j'aurais aimé qu'on me dise dès le départ que l'allaitement, c'est pas une évidence, j'aurais moins culpabilisé...
Merci de m'avoir touchée.
Une maman d'une petite fille de 5 mois (et probablement BABI...) et allaitée en exclusif

Cantor a dit…

Je suis heureuse que votre petit BB s'en soit tiré.
Vous êtes surement une maman aimante.

Néanmoins votre récit m'inspire tout de même les réflexions suivantes:

Qu'auriez-vous fait si vous n'aviez pas eu le secours de la médecine (pédiatre)?

La soi-disant merveilleuse et parfaite nature que la LL vante aurait tout simplement laissé mourir votre petit bout. Un enfant qui ne sait pas téter aurait été condamné à une autre époque, où dans un pays moins riche et industrialisé.
Cela signifie que l'allaitement est tout sauf évident.

J'ai l'impression que le les adptes du naturalisme et des méthodes de "maternage" ne veulent perçevoir de la nature que ce qu'ils veulent bien, et savent qu'ils auront recours aux méthodes modernes ou "artificielles" si cela ne marche pas. La nature est la plus grande tueuse qui soit.
Ensuite, et j'espère ne pas vous blesser, j'ai un peu l'impression que vous avez fait cela pour vous, pour correspondre à une image d'épinal de la maman allaitante prônée par la LL. Parce que votre BB a eu faim, tout au long de ces mois. Il en a souffert. C'est une réalité. Quel était le désir de votre bébé ? Etait-il le même que le votre?
Il n'aurait pas vécu cela avec un biberon. Mais vous l'auriez vécu, VOUS, comme un échec personnel....
Alors, les bienfaits du sein pèsent-ils si lourds dans la balance, pour que vous ayez préféré traverser cela avec votre enfant? Je ne dis pas que l'allaitement n'est pas un bon choix, en général.Mais faut-il aller si loin, sachant que le seul réel bienfait est une petite protection en plus au niveau gastro, qui peut être contrebalancée par des choses telles que des bactéries néfastes provenant de la maman,par exemple, et véhiculée dans son lait ? (témoignage vécu ds ce blog: "Elle (médecin) diagnostiquait une présence de bactéries indésirables chez notre enfant, probablement depuis la naissance, sa flore intestinale ne s’était pas colonisée des « bonnes » bactéries. Ceci se fait au moment du passage, le tube digestif de l’enfant jusqu’alors stérile, profite des bactéries de la maman.")
Car rien n'est noir ou blanc. L'allaitement ce n'est pas une potion magique parfaite...le corps humain est complexe, tout est synergie..
Le lait maternisé n'est pas du poison. Il a sauvé bien des bébés Alors, n'était-ce pas aller trop loin ? Les cartons rouges distribués par vous-mêmes étaient-ils légitimes...?