vendredi 21 novembre 2008

Comment je suis devenue une femme des cavernes

Après une grossesse idyllique, un accouchement nettement moins glamour, et 3 jours abominables à la maternité, les médecins ont diagnostiqué chez mon bébé une oesophagite. J'étais effondrée par cette nouvelle et épuisée par 3 nuits blanches (je ne savais pas à cette époque que c'était juste le début d'une série sans fin). Mais nos proches ne semblaient pas spécialement affectés par la nouvelle : "ah ben oui c'est dur les 3 premiers mois" ! de toute façon, "oesophagite", ils ne connaissaient pas, mais qu'importe ça n'était pas grave du tout, d'ailleurs "tous les bébés régurgitent, c'est bien connu, faut pas s'en faire pour autant". Tous nos amis, qui attendaient l'événement depuis longtemps, se pressaient à notre porte les bras chargés de cadeaux, la famille étouffait de bonheur, nous recevions des colis des Etats-Unis, du Vietnam... notre bébé était une star !

Curieusement, notre fils semblait apaisé lorsque nous recevions des gens : le brouhaha l'endormait, lui qui ne dormait jamais en temps normal, ni le jour, ni la nuit, et qui hurlait en continu en se jetant la tête en arrière. C'est alors que des soupçons d'exagération ont commencé à peser lourdement sur notre couple : "mais c'est bizarre, moi à chaque fois que je suis venu chez vous il dormait, il a pourtant l'air calme, il n'a pas l'air franchement malade, vous ne seriez pas un tout petit peu stressé?", etc... L'ivresse de bonheur s'était transformée en grosse suspicion.

Au fil des semaines, le vague intérêt pour les soucis de santé du loulou et la grosse suspicion se sont transformés en un profond ennui. Nous racontions toujours la même histoire : il ne dort pas, nous sommes encore allés chez le docteur, il prend une demi-douzaine de médicaments mais rien n'y fait... Les visites sont devenues rares et les coups de fils brefs.

Quand j'avais contact avec le monde extérieur, j'entendais des : "Mais moi je l'emmenais partout mon bébé, à la piscine, au ciné, à l'autre bout du monde, en boîte de nuit. Pourquoi tu ne sors plus, ça te ferait du bien de te changer les idées" ! Il est vrai que je n'avais qu'une seule idée en tête : dormir 3 ou 4 heures de suite, c'était mon unique projet de vie, mais dans l'état dans lequel j'étais, sortir était la dernière des choses dont j'avais envie. Avant la grossesse, je n'étais pas une reine de la nuit mais j'aimais les bons petits restau, trainer dans les cafés du quartier jusqu'à leur fermeture, raconter dans les soirées mes derniers voyages, un verre de champ à la main. C'était dans une autre vie ! Il n'était d'ailleurs plus question de vivre, mais bel et bien de survivre. Au fil des mois, chez nos amis, l'ennui profond s'était transformé en une immense incompréhension.

L'hiver n'en finissait pas. L'immense incompréhension avait cédé la place à un total oubli de nos amis. Les personnes qui venaient désormais nous rendre visite étaient uniquement les membres de notre famille, qui veillaient sur notre progéniture, bien à l'abri du monde extérieur, telle une horde néandertalienne sur son feu. J'ai commencé à ne plus quitter ma caverne, même pour chasser le mammouth. La moindre course au supermarché était impossible : pour loulou, rester 5 minutes en poussette sans dormir se soldait par des hurlements sans fin et par un regard méchant ou médusé des clients ainsi que de la caissière : qu'est-ce que j'avais pu bien faire à mon fils pour qu'il hurle comme ça?

Puis j'ai commencé à mettre de côté les vêtements que je n'utilisais plus (à peu près tous), pour faire de la place aux affaires de notre petit homo intensius. Puisque je ne sortais plus et que mon fils me vomissait dessus une dizaine de fois par jour, à quoi bon mettre autre chose que de vieux chiffons? Et puis un jour, errant dans les recoins de ma caverne, l'air hagard, mon bébé accroché à mes aillons, j'ai aperçu mon image dans le miroir, et je me suis dit : mince, je ne ressemble plus à rien. Mais si ! si ! à une femme des cavernes ! il ne me manquait plus qu'un gourdin. Heureusement que je n'en avais pas, sinon... qui sait ce que serait devenu mon fils?

5 commentaires:

capuli a dit…

c'est dingue a quel point je me suis reconnu dans ton histoire!l'incomprehension de l entourage je connais et c'est desesperant...
bon courage ca s arrangera avec le temps et avec tout l amour possible pour ton ptit loup!bisou

lilo-jade a dit…

merci pour tes encouragements ! trop mignonne la photo de ton profil...

Swinka a dit…

je ris autant que je pleure devant ton histoire!! c'est exactement la même que la mienne!!! l'incomprehension de l'entourage est vraiment douloureux d'autant plus quand on est epuisée et qu'on comptais justement sur leur soutien!! bon courage et haut les coeurs!! on verra la fin du tunnel un jour!!! ;-)

Swinka, maman de 2 BABIs, dans la caverne d'à côté...

Swinka a dit…

j'en ris autant que j'en pleure!!! c'est tellement mon histoire aussi!! et c'est vrai que l'incomprehension de l'entourage est si decevante et si attristante... surtaut quand, epuisées, on n'espere justement un soutien... aller, courage et heut les coeurs!! on verra la fin du tunnel un jour!!!

Maryline, maman de 2 BABIs, dans la caverne d'à côté...

Bouné a dit…

J'espere que depuis ça va mieux, nous vivons exactement la même chose !